Mieux vivre chez soi se décide aujourd’hui. Financer, pérenniser, recruter et fidéliser. Comment faire ?

La crise du COVID et le vieillissement de la population font émerger de plus en plus de besoins. Les services à la personne et de l’emploi à domicile connaissent une croissance très importante, représentant plus que jamais un vivier de plusieurs milliers d’emplois, mais rencontrent également des difficultés de recrutement. En cause, une image parfois injuste et des rémunérations encore assez peu attractives. Comment financer, pérenniser, recruter et fidéliser dans le secteur ?

Extrait de la Conférence inaugurale, qui s’est déroulée au Salon des services à la personne et de l’emploi à domicile, le mardi 23 novembre 2021

L’année 2021 aura été marquée par des annonces de mesures assez fortes pour le secteur : entrée en vigueur le 01/10/21 de l’avenant 43 relatif aux rémunérations dans la branche de l’aide à domicile et refonte du financement des services à domicile avec la création, au 01/01/22 d’un tarif plancher national de 22€ par heure d’intervention pour les SAAD.

Que pensez-vous de ces mesures ?

Florence Arnaiz-Maumé, SYNERPA

Aujourd’hui il apparaît qu’il y a un décalage entre les besoins des Français et les moyens mis sur le secteur de l’aide à domicile.  L’avenant 43 exclut le secteur commercial représenté notamment par le SYNERPA- domicile. Forcément, on n’a pas pu voir ça d’un super œil… Nous sommes retournés au combat auprès de la ministre en disant « L’avenant 43 existe, vous l’avez financé, pas de problème. Mais nous on veut quelque chose : on veut pouvoir continuer la modernisation de nos services à domicile ». Nous avons été entendus par Mme Bourguignon qui dans ce projet de loi de finances de la Sécurité sociale offre un futur au service d’aides voire de soins à domicile, puisque le nouveau projet c’est de mettre en œuvre non plus des services à domicile d’un côté et des SIAD de l’autre, c’est de parvenir à faire, au fur et à mesure, des structures uniques qui font de l’aide et de l’accompagnement, mais également du soin. A 10 ans, il n’y aura que des services d’aide et de soins, sous l’appellation « services autonomie ». La pierre angulaire de ce dispositif c’est un tarif départemental unique, en tout cas plancher, de 22€, mis en place pour toutes les prestations d’aide à domicile pour les personnes en perte d’autonomie. On souffre en France de politiques départementales très différentes, enfin on va avoir une harmonisation avec ce tarif.

Thierry d’Aboville, Union nationale ADMR

Un regret, c’est qu’il n’y ait pas de loi grand âge ? parce qu’une loi donne une vision, c’est un engagement politique. Il y a eu le rapport Libault disant « il faut 10 milliards d’euros », certains disent qu’il faut plus. Il y a des choix économiques sûrement difficiles à prendre et peut-être que la société française n’a pas encore pleinement pris conscience de la nécessité. Par rapport au PLFSS 2022, nous sommes assez contents. On réclamait une équité territoriale. Aujourd’hui, il va y avoir une politique nationale, et c’est très important. Alors c’est quoi l’avenant 43 ? C’est deux choses. On remet au niveau du SMIC un certain nombre de niveaux. Il fallait savoir qu’il y avait 16, 17 niveaux en-dessous du SMIC, ce qui veut dire que les salariés, quand ils arrivaient dans notre branche, attendaient dix ans avant d’avoir une augmentation. C’est intolérable. Et puis la deuxième chose, et ça, c’est aussi important, peut-être même plus important, c’est qu’on va pouvoir proposer un parcours professionnel. Les salariés attendent peut-être d’autres choses qu’il y a dix ou vingt ans, des temps de travail différents, parce qu’il faut pouvoir vivre de son métier. Il faut peut-être remettre les salariés au cœur de la planification.

Amir Reza-Toufighi, Fédésap

On a été exclus du Ségur de la santé, des mesures financières, et finalement on doit alerter pour avoir une petite enveloppe de 200 millions en 2021. L’ensemble de l’enveloppe qui était pour l’ensemble du secteur est allée dans cet avenant 43. Ce qui devait financer les augmentations de salaires de tout un ensemble de salariés qui font tous le même travail, n’est allé qu’à une partie des salariés. C’est une bonne nouvelle qu’une partie des salariés soient mieux payés demain. Ce qu’on dit juste, c’est qu’il faut qu’on puisse avoir les mêmes mesures pour l’ensemble des salariés. Donc est ce que 22€ c’est suffisant ? Pas du tout, mais ça a le mérite d’exister. La problématique, c’est que le 22€ va avant tout baisser le reste à charge des clients, parce que les personnes qui étaient dans un département qui finançait à 19 ou 20€ vont payer moins, mais les structures ne vont pas forcément facturer plus. Est-ce que demain les entreprises vont pouvoir payer plusieurs salariés avec 20€, j’en doute. Est-ce qu’elles vont faire des efforts, c’est évident. Pour l’instant la plupart des départements ne se positionnent pas, et donc on n’a aucune idée de comment on va pouvoir, à travers ces 3€, mieux rémunérer les salariés. La création des services autonomie est une première étape, mais il va vraiment falloir que les politiques changent leur vision du domicile. On passe après tout le monde, les EHPAD, les structures, l’hôpital – quand on passe d’ailleurs. Nos salariés sont des vrais héros, ils permettent à des gens en perte d’autonomie de vivre à domicile ; pendant le COVID elles étaient les seules personnes qu’ils voyaient chaque jour.

Hugues Vidor, ADEDOM

On a réussi à signer un accord et cet avenant pour faire bouger les lignes. Si on n’avait pas fait bouger les lignes, je ne suis pas sûr qu’aujourd’hui le gouvernement prendrait de la même manière la question du domicile. Le « plus 3€ », est une bonne chose, reste qu’il faut encore le négocier et que les critères ne sont pas totalement établis. Autres regrets : 1/ On affiche dans le PLFSS le rôle de coordinateur territorial des EHPAD. Les EHPAD ont leur place, mais le premier acteur qu’il faut visibiliser, c’est bien le domicile. 2/ Nous n’avons pas une grande loi. Dans ce PLFSS nous avons une vision paramétrique, comptable, on parle chiffres et tarification, mais on n’a pas une vision de la façon dont il faut s’occuper de la personne. Ce qu’on a acquis, par contre, sur le financement de l’aide à domicile, c’est un principe de financement par la solidarité nationale. C’est fondamental, parce que c’est une promesse que fait la société auprès de l’ensemble des personnes en situation de perte d’autonomie, que d’avoir des réponses et d’avoir une forme de bientraitance au moment où justement ils arrivent en forme de dépendance ou en perte de moyens. Dans ce cadre, une grande loi est utile parce qu’elle peut traiter de l’ensemble de ces sujets, elle peut traiter de la question à la fois de la révolution de l’offre, celle du financement, celle de la gouvernance et de la manière dont on régule les relations entre l’État par le biais de la CNSA et les départements.

Comment recruter et fidéliser les salariés du secteur ?

Caroline Bacchini, Pôle emploi Paris

Le secteur des services à la personne fait partie des secteurs dits prioritaires, au niveau national et régional, au regard du vieillissement de la population, d’un turn-over qui reste très important, d’un besoin de prise en charge du handicap qui grandit au fil au fil du temps et de difficultés de recrutement, exprimés par les entreprises sur les métiers d’aide à domicile. C’est un peu plus de 138 000 offres qui ont été diffusées à Pôle emploi Île-de-France, principalement sur trois métiers : l’assistance auprès d’enfants, les services domestiques et l’assistance de vie auprès d’adultes. En parallèle, à Pôle emploi Île-de-France, nous avons un peu plus de 70 000 demandeurs d’emploi. Les tensions existent fortement. Les demandeurs d’emploi préfèrent s’orienter sur les métiers de garde d’enfants plutôt que ceux de services domestiques ou d’assistance. Il y a un travail à faire sur l’attractivité et la valorisation de ces métiers autour de trois axes forts sur lesquels s’engage Pôle emploi : la connaissance et la découverte des métiers, la valorisation des compétences transférables et le développement des compétences. Pour accompagner les entreprises dans ces recrutements, nous proposons différents services : des immersions professionnelles, des actions de formation préalables à l’embauche ou des préparations opérationnelles à l’emploi. Et puis c’est également la promotion et la mobilisation des mesures gouvernementales auprès des entreprises comme les mesures pour faciliter l’aide à l’embauche.

Baptiste Lenfant, IPERIA

Le défi des 10 prochaines années, est le recrutement de 800 000 personnes. Une grande partie de la population salariée va partir à la retraite, et nous avons évidemment une croissance des besoins d’accompagnement à domicile. Il y a un enjeu très fort autour de l’identité professionnelle, véritablement un levier d’attractivité, qui se caractérise au moins par quatre reconnaissances : affective, juridique ou institutionnelle, de la nation ou sociale et enfin professionnelle. Une politique nationale de professionnalisation, orientée vers la certification professionnelle, donc la reconnaissance des compétences est extrêmement importante. Aujourd’hui cette offre de professionnalisation est constituée de huit certifications professionnelles reconnues et construites dans une logique de parcours de reconnaissance progressive des compétences puisque ces titres sont segmentés en blocs de compétences. Il y a également une logique de filière pour que les salariés de la branche des particuliers employeurs et de l’emploi à domicile puissent trouver des évolutions professionnelles et des mobilités entre métiers. Et enfin une logique de démocratisation, d’accès à la compétence. Les salariés disposent d’un droit à la formation de 58 heures de formation par an, qui correspondent à une grande majorité des parcours de formation menant à une certification professionnelle. Nous travaillons sur deux leviers majeurs pour l’avenir 1/ renforcer les parcours d’intégration pour les personnes issues de l’immigration 2/ l’apprentissage. La loi 2018 qui réforme l’écosystème de la formation professionnelle permet d’ouvrir de manière beaucoup plus large l’apprentissage. A partir de 2022, on s’engage dans un grand plan de développement de l’apprentissage.

Julien Mayet, UNA

Avoir des gens qualifiés aptes à travailler immédiatement, a toujours été relativement difficile. Mais la situation s’est considérablement aggravée, autour des années 2017-2018. Pour nos adhérents, la préoccupation principale était celle du recrutement, alors que les préoccupations de financement de nos services, d’équilibre budgétaire n’étaient toujours pas résolues. Mais la véritable problématique qu’on avait à traiter c’était de répondre à la demande, faute de salariés. Le secteur a souffert d’une mauvaise image et d’une méconnaissance. On peut remercier la crise sanitaire, c’est un paradoxe, mais elle a permis de mettre en lumière nos métiers et de les faire connaître, même au plus haut niveau de l’État. On a pris conscience du caractère indispensable et fondamental du lien social qui se traduisait à travers ces métiers. L’image est en train de changer aujourd’hui. Notre objectif dans un premier temps est d’arrêter cette hémorragie de salariés que nous avons connue, puis dans un second temps d’attirer de nouvelles vocations en travaillant sur l’amélioration des conditions de travail. Il y a beaucoup d’accidents de travail, beaucoup de maladies professionnelles et on va essayer d’améliorer les conditions de travail. Et puis, faire reconnaître un certain nombre d’heures qui aujourd’hui ne sont pas considérées comme des heures dites productives, à tort ; c’est à dire que les temps de déplacement, les temps de formation, les temps où on se réunit à plusieurs pour évoquer une situation, tout ceci aujourd’hui n’est pas véritablement reconnu comme étant du temps de travail effectif qui devrait être rémunéré tel que. Et enfin, on va travailler sur la question de l’égalité homme-femme. On a un véritable problème de mixité dans nos emplois, 97 %, c’est absolument anormal.

 

Voir le replay de la conférence :

 

 

 

Articles qui pourraient vous intéresser :



Laisser un commentaire pour : Mieux vivre chez soi se décide aujourd’hui. Financer, pérenniser, recruter et fidéliser. Comment faire ?

Demandez votre invitation gratuite >