Un an après le début de la crise sanitaire, quels impacts et quelles attentes ? Le point de vue des salariés « du domicile » (4/4)

Aline Mougenot, Secrétaire fédérale adjointe CFTC Santé Sociaux et Arnaud Muret, Directeur Général OPCO des entreprises de proximité se sont exprimés ensemble sur le sujet pour la première fois depuis le début de la pandémie, lors de la séance d’ouverture de la journée Live du 30 mars 2021. Voici la retranscription de leurs propos.

(Actes de la webconférence organisée le 30 mars par le Salon digital des services à la personne)

Séance animée par Jacques Huguenin (Journaliste – Animateur).

(…) On commence par vous, M. Muret ?

(…) Merci de me permettre de vous faire un point sur cet impact de la crise sur les salariés couverts dans votre branche au sein de l’OPCO-EP.
Donc, d’ores et déjà il y a eu l’année 2020, ça a été rappelé par tous les intervenants extérieurs, c’est un contexte extrêmement singulier, mais sur la formation professionnelle, ce qu’on a observé, je vais vous donner quelques chiffres.
En 2019, hors crise sanitaire, la dépense de formation pour la branche était de l’ordre de 3 millions d’euros sur le plan de développement des compétences ; en 2020 on est monté à 12,5 millions d’euros sur le même périmètre, soit 4 fois plus aujourd’hui qu’hier. Et ce mouvement qu’on a vu monter sincèrement comme une vague au début ce cette année n’a pas tari, elle ne s’est pas amoindrie, cette vague.
À la fin du mois de février, nous avons eu une situation d’urgence avec les administrateurs de l’OPCO-EP puisque notamment votre branche est toujours sur un mouvement de départ en formation très élevé, 4 fois plus que l’année précédente au même mois. C’est-à-dire que pour l’année 2021 on envisage 6 millions d’euros de budget sur le plan de développement des compétences, ce qui est quand même deux fois plus qu’en 2019. Pour autant on a toujours un taux de départ extrêmement élevé en formation, ça c’est le premier enseignement.

La deuxième chose qui est significative, ce qu’on voit c’est que les salariés ne partent pas en formation pour apprendre l’anglais ou faire des crêpes ou du macramé. Quand on regarde le type de formation c’est pour consolider les compétences sur les cœurs de métier, donc le temps est mis à profit pour consolider les compétences. Donc on a un secteur d’activité qui se consolide.

Et puis, le troisième point qui me paraît important dans ce contexte de crise. Il y a des effets je dirais, comme toujours dans une crise, il peut y avoir des effets d’aubaine, et pour votre branche il y en a un puisque structurellement votre branche c’est une branche où il y a une forte tension sur l’emploi. Et dans ce cadre d’une forte tension sur l’emploi, aujourd’hui il y a un dispositif qu’on appelle les « transitions collectives », qui est certainement un dispositif à parfaire, mais l’idée qui est derrière, en quelques mots, c’est de permettre à des entreprises qui ont des salariés dans un bassin d’emploi qui rencontrent des difficultés, d’aller vers des entreprises dans le même bassin d’emploi qui sont demandeuses de salariés.
Or c’est votre cas. Vous, dans le jargon, vous êtes dans un secteur d’activité où les entreprises sont receveuses de personnel. Et là-dessus l’État a mis des moyens supplémentaires pour accompagner les salariés qui souhaiteraient passer d’un secteur à l’autre dans le cadre de leur bassin d’emploi.
Donc c’est un élément extrêmement important qui permet d’être une ressource supplémentaire pour votre branche. Donc nous, au niveau de l’OPCO-EP nous prenons une part importante au dispositif de transitions collectives. Nous avons, par l’intermédiaire de nos commissions paritaires régionales, identifié plus de 41 territoires qui couvrent pas moins de 100 000 entreprises qui ont des besoins soit de main-d’œuvre, soit qui sont prêtes à lâcher des collaborateurs, mais ça dépasse le cadre de l’OPCO-EP.

Je terminerai sur cet exemple. Nous savons qu’il y a des secteurs qui sont fortement impactés par le Covid, on peut penser au tourisme, à l’hôtellerie et restauration ; il y a des compétences dans ces branches-là de personnes qui pourraient rejoindre votre secteur d’activité. Donc soit on les accompagne pour les mettre au niveau de ce que des employeurs de notre secteur attendent, soit elles peuvent directement passer, et donc il y a des ponts à organiser, et on le voit très clairement, j’ai pris cet exemple, mais on l’a pour d’autres éléments qui pourraient y concourir. Voilà en quelques mots pour nous l’impact de la crise, mais aussi des perspectives pour votre branche.

On va passer la parole à Aline Mougenot qui a également des responsabilités au sein de l’OPCO me semble-t-il, et qui est secrétaire fédérale adjointe de la CFTC-Santé-sociaux. L’impact sur les salariés, qu’est-ce que vous avez constaté, qu’est-ce que vous pouvez nous dire à l’issue de cette année bien compliquée, votre vécu, votre ressenti ?

Alors effectivement aujourd’hui j’ai des responsabilités à différents endroits, mais aujourd’hui je suis bien avec la casquette CFTC, et c’est un véritable bonheur d’être présente aujourd’hui pour parler des salariés de nos secteurs.
La CFTC accompagne les salariés du secteur du domicile depuis des années, alors les salariés de l’aide à domicile associative, on a entendu les collègues tout à l’heure des entreprises de services à la personne, et également des salariés du particulier employeur. Donc tous les intervenants côté patronal qui viennent d’intervenir ont dit beaucoup de choses, je vais ne pas répéter mais pointer du doigt les éléments importants pour les salariés.
Donc une année très difficile, et cet accompagnement qu’on fait au niveau de la CFTC s’est démultiplié depuis un an, et nous avons été présents pour répondre aux angoisses des salariés liées aux difficultés matérielles — les masques, les gants etc., je n’y reviendrai pas —, aux difficultés psychologiques, la peur d’être contaminé, mais surtout de transmettre le virus à ses proches et aux autres bénéficiaires. Et des difficultés familiales : comment faire garder ses enfants quand les écoles sont fermées et les crèches également ?
Donc c’est vrai qu’on a été présents et ça a été un peu compliqué.

Mais toutes ces difficultés mes collègues vous en ont parlé depuis ce matin, celle sur laquelle je voudrais insister et qui est la plus importante et qui fait souffrir les salariés depuis des années, c’est la reconnaissance.
Alors on en a entendu parler un petit peu ce matin, mais la reconnaissance elle manque quand il faut se battre à la pharmacie pour avoir droit à des masques, elle manque quand on entend des annonces de primes et que sur la fiche de paie on ne voit rien parce qu’on n’est pas dans le bon département ; quand on entend que les malades vont être bénéficiaires de vaccins, et que pour les salariés du secteur c’est compliqué de se faire reconnaître comme un acteur essentiel.
Et puis, les derniers messages qu’on a entendus, on a entendu parler des salariés de seconde ligne, et ça, je pense que les personnes qui ont utilisé ce terme ne se rendent pas compte de ce que c’est quand vous vous levez le matin et que la première des choses c’est de penser aux personnes que vous allez accompagner, vous entrez au domicile des bénéficiaires potentiellement porteurs du virus pour les accompagner sur les gestes les plus intimes.
Et un salarié de seconde ligne, alors nous on ne veut pas faire de différence entre les salariés de seconde ligne et de première ligne, mais il faut donner les moyens à tout le monde d’être reconnu dans son métier.
Alors vous allez me poser la question de l’avenir, M. Huguenin ?

Absolument, votre vision de l’avenir, CFTC-sociaux, face à ce manque de reconnaissance, ces mots désagréables, vous avez été en première ligne sur le front pour accompagner des gens ; à partir de là qu’est-ce que vous souhaitez pour demain ?

Alors on souhaite continuer à se battre pour que les salariés du secteur soient bien évidemment reconnus, rémunérés et protégés. Et on souhaite également se battre pour les salariés qui ont été contaminés très souvent sur le lieu de travail et qui sont maintenant dans ce qu’on appelle « Covid long », donc il y a effectivement beaucoup à faire sur ce sujet. Et on s’associe pour réclamer un Ségur du domicile qui est indispensable.

Et l’avenir pour la CFTC c’est aussi et toujours la formation. Si nous sommes présents au salon depuis des années c’est parce que notre place n’est pas… vous nous voyez rarement, la CFTC, dans la rue à manifester ; nous on est plutôt dans le conseil, dans les réponses aux salariés, et sur des secteurs comme les nôtres où les salariés sont souvent isolés, notre rôle est primordial. Donc être au salon c’est rencontrer les salariés et pouvoir les accompagner, et notamment sur la formation. La formation, vous avez entendu parler des difficultés du secteur depuis ce matin, pour le salarié la formation c’est vraiment le meilleur levier pour évoluer dans nos métiers qui sont formidables au niveau de l’accompagnement aux personnes.
Aider c’est la plus belle chose qu’on peut faire en tant que syndicaliste, c’est accompagner un salarié sur son parcours professionnel de formation.

Formation, j’ai l’impression que c’est votre mot de conclusion à tous les deux. On va redonner la parole à M. Muret pour lui demander son message, sa phrase de conclusion, et ensuite Mme Mougenot vous nous donnerez votre phrase de conclusion.

Je ferai deux phrases si vous permettez. La première c’est simplement de vous dire que dans cette période de crise, l’OPCO-EP et son conseil d’administration, avec toute la diversité qui le compose, a envoyé un signal très fort à cette branche dans le soutien, et vous l’avez vu avec les chiffres que je vous ai donnés, donc un soutien très fort à votre branche.
La deuxième chose elle est de se dire ce n’est pas que je suis un éternel optimiste, mais quand on essaie de voir par la positive ce qui est en train de se dessiner, eh bien on voit qu’il y a des façons de rendre attractif votre secteur d’activité, il y a des façons de se consolider, et tous les échanges aujourd’hui que j’ai entendus sont quand même porteurs d’énormément d’espoir dans la consolidation de votre secteur et de sa mise en perspective.

(…) Mme Mougenot, c’est vous qui allez faire la conclusion de toute cette séquence.

Alors un mot d’abord : merci aux salariés. Vous étiez présent M. Huguenin lors du dernier salon des services à la personne, la CFTC avait souhaité organiser un temps fort pour remercier les salariés. On a entendu beaucoup de choses ce matin, et pour la CFTC, vraiment c’est important de remercier les salariés. On souhaite que les pouvoirs publics entendent et se joignent à nous et les remercier à travers tout ce qu’on a abordé ce matin, que ce soit la rémunération, la reconnaissance etc.

Réécouter la séance d’ouverture.

Lire la suite des actes : ce que les acteurs de la Silver économie en pensent.

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